Frédéric Gosselin (EFNO Ecosystèmes Forestiers, INRAE)
De nombreux auteurs ont insisté sur le fossé important existant entre gestion des milieux naturels et développement des connaissances. Nous proposons ici de réfléchir sur cette articulation entre monde de la gestion et celui de la recherche en biologie de la conservation à partir du cas de la chouette tachetée nordique, une sous-espèces de chouette forestière, vivant dans le Nord-Ouest des Etats-Unis (et le Sud-Ouest du Canada). C’est un des rapaces sur lequel le plus de recherche a été menée en biologie de la conservation. Nous avons analysé ce cas d’école dans différentes publications et souhaitons présenter sept leçons que nous en avons tirées. Les deux premières leçons insistent sur l’importance des lois pour assurer une bonne prise en compte des résultats scientifiques dans la gestion ; en même temps, ces lois sont souvent imprécises, de sorte qu’un certain flou est maintenu entre gestion et recherche. Les deux leçons suivantes insistent sur le rôle important des scientifiques dans le tri et l’interprétation pour la gestion des connaissances produites par la recherche ; ce travail est néanmoins perfectible puisque tous les résultats scientifiques ne sont pas pris en compte ou pas certaines hypothèses ne sont pas prises en compte. Les deux leçons suivantes montrent combien la recherche appliquée inspirée par les besoins de la gestion – mais indépendante du processus de gestion - a produit des résultats intéressants dans le cas de la couette tachetée, mais des résultats corrélatifs qui mériteraient d’être complétés par une approche davantage expérimentale. Celle-ci ne serait possible que via une intrication plus forte de la recherche dans la gestion, ce qui n’a pas à ce jour été réalisé dans le cas de la chouette tachetée. Nous interprétons ces six leçons au regard des différents types d’interface recherche-gestion que nous avons identifiés dans un travail indépendant. Enfin notre septième leçon discute ces différentes perspectives du point de vue des sciences politiques, pour remettre en question certains de ces aspects, notamment la place forte de la science dans les lois ainsi que cette proposition de certains chercheurs en écologie appliquée de déployer leur travail de recherche dans le cadre du processus de gestion. Ces sept leçons nous amènent à proposer des pistes pour un meilleur interfaçage entre recherche et gestion.